– Ton documentaire aborde plusieurs thèmes : la pratique du sport, la place des femmes dans la société, la question des inégalités sociales… Était-ce ton objectif dès le départ ?
Non, au départ je voulais vraiment faire un documentaire sur le roller (à Paris) qui devait surtout parler de sport et d’infrastructures sportives.
En rencontrant et en discutant avec plusieurs personnes, j’ai découvert de nouveaux aspects qu’il me semblait important d’éclairer. Partout en France. Il y a eu de nombreuses choses que je ne comprenais peut-être pas en tant que Norvégienne et que je voulais comprendre en passant plus de temps sur le terrain et en multipliant les rencontres.
Je connaît certes Paris car j’y exerce mon métier de photographe/réalisatrice depuis plusieurs années, mais j’étais peut-être passé à côté de certains aspects de la société française.
Ma propre vie a consisté à être et à défendre la personne que je suis, j’ai eu de nombreux défis qui m’attirent naturellement vers des gens qui défendent ce en quoi ils croient, qui peuvent avoir des problèmes différents et sont mis à l’écart de certaines opportunités.
C’est pour cette raison qu’il me semblait naturel d’intégrer des aspects sociologiques à mon documentaire.
Je me reconnais dans de nombreuses anecdotes et réflexions que j’entends, je pense que la société a besoin de les entendre à son tour.
Les thèmes de « Ça Roule » sont le roller, les différences sociales, l’égalité des chances, le développement personnel, la solidarité et ce que c’est que d’être jeune en 2022. Pour le meilleur et pour le pire.
C’est un documentaire sur les défis mais aussi sur la joie.
– Peux-tu dévoiler, en quelques mots, les principaux constats de ton documentaire (que disent les femmes que tu as rencontrées) ?
Que les femmes à rollers sont solidaires, toujours là l’une pour l’autre. Qu’il peut être difficile d’être seule sur un skate park, qu’en tant que fille, où les femmes sont souvent victimes de discrimination.
La discrimation s’impose sous forme de commentaires, de sexisme, de sous-entendus, de regards et/ou de harcèlement. Elles peuvent être discriminées en tant que patineuses à roulettes, en tant que fille / jeune femme et aussi, surtout, pour leur couleur de peau.
Le fait qu’elles se regroupent dans les skate parks, qu’elles patinent ensemble dans les rues…tout cela leur permet d’être fortes et d’atteindre de nouveaux objectifs. Et cela attire de nouvelles femmes qui rejoignent la bande.
Je vis moi-même les mêmes choses que ce qu’indiquent ces témoins, en tant qu’athlète quand je suis en France, mais aussi en Norvège, même si c’est peut-être moins fort.
– T’es-tu inspirée d’autres documentaires ? As-tu des réalisateurs favoris ?
Je suis très inspirée par l’histoire de la France après les années 1960, en particulier sur l’histoire de l’immigration et l’histoire sociologique des banlieues parisiennes.
Après avoir regardé « Les Misérables » de Ladj Ly, j’ai été très marquée, et même si ce n’est pas un documentaire sur le milieu du roller, les thèmes que j’évoque dans « Ça Roule » dressent un constat identique.
Ce sont les gens qui m’entourent dans la rue qui sont mon inspiration, j’ai toujours pensé ainsi. Je m’interroge toujours sur les histoires vivantes que l’on ne peut pas voir au premier regard, à ce qui se passe derrière les façades.
Le simple fait d’être assis dans le métro et de regarder les gens autour de moi m’inspire, de préférence ceux qui n’ont pas tous les moyens dont disposent les plus privilégiés.
Au-delà de ça, je vois beaucoup de documentaires et de reportages sur ARTE, ce sont peut-être ceux qui m’inspirent le plus. Des interviews et des reportages des années 70-80 et 90 qui ont une forme de réalisme et dans lesquels je me reconnais.
J’ai l’impression que beaucoup de choses sont perdues au profit de la technologie et j’aime donc souvent le matériel artistique d’une époque quasi-révolue ; je filme par exemple toujours avec de vraies caméras VHS, qui datent de 1986 !
– As-tu d’autres projets à venir au sujet de la France ou des liens entre la France et la Norvège ?
J’ai plusieurs projets au sujet des liens d’amitié entre la Norvège et la France et j’espère qu’avec mes capacités et grâce aux valeurs qui sont les miennes, je pourrai contribuer à jeter des ponts entre les deux cultures.
En tant que photographe et cinéaste et pour le patin à roulettes également.
J’espère et j’attends avec impatience de nouvelles collaborations qui seraient binationales ou qui aideraient à aller au-delà des frontières. Il y a, je crois, de belles opportunités que beaucoup ne soupçonnent pas.
J’espère faire un « Ça Roule 2 » ; j’y travaille déjà !
« Ça Roule – Que disent les meufs en France ?«
Paris, Tours et Nantes