De qui et de quoi parle-t-on ?

Les enfants pauvres et les privilégiés à Paris aujourd’hui. Les banlieues et les quartiers chic. De qui et de quoi parle-t-on ?

Est-ce une réalité composite de notre temps marqué par une société divisée ?

Les préjugés, les portrait-types, les stéréotypes des jeunes personnes pauvres sont très souvent les suivants : jeunes, vivant en famille, peu diplômés, ouvriers ou employés. Typiquement, ils habitent dans la banlieue parisienne en travaillant dans la cité, s’ils ont un travail. Immigrés ou enfants d’immigrés, casseurs. La plupart des gens restent dans leur banlieue, mais certaines des jeunes en difficulté trainent typiquement dans les rues de centre Paris dans la nuit, avec ces gangs.

« En France en 2019, entre 5 et 8,8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Les femmes, les jeunes et les agriculteurs sont les plus touchés, en raison d’une activité précaire. »

( https://www.la-croix.com/Economie/Social/Entre-cinq-huit-millions-Francais-vivent-seuilpauvrete- 2019-08-15-1201041115)

Divisés par les lignes géographiques et le statut social de leurs parents ; pour les enfants privilégiés des beaux quartiers, leur avenir est tracé dès un stade précoce. En effet, la pauvreté influence le choix des études et les conditions de leur réalisation, qu’on soit parent ou enfant. Et cela, même pour un bon élève. Les études longues sont l’apanage des classes supérieures. On peut dire qu’être un enfant de parents pauvres élimine beaucoup des possibilités. La différence entre les pauvres et les riches sont de plus en plus grandes à travers le système d’éducation. Notamment en banlieue parisienne, les jeunes n’ont pas la même possibilité qu’une personne habitant dans les beaux arrondissements de Paris. Car dans les plus chics quartiers, il s’agit de devenir le meilleur pour appartenir à la meilleure classe sociale, faire les choses correctes ; le prestige et les facteurs sous-jacents étant décidés en amont pour eux, par leurs parents.

En réalité, ces deux mondes se trouvent à des annéeslumière, et ne cessent de s’éloigner. « C'est à Paris que l'on trouve le plus de ménages très aisés (18,4 %), le plus de cadres (25,9 %) et le moins d'ouvriers (7 %). De l’autre côté, Seine-Saint-Denis, département où les enfants en bas âge sont les plus nombreux, concentre aussi les ménages franciliens les plus pauvres, et deux fois moins de ménages aisés que le taux régional.

La Seine-Saint-Denis, département où les enfants en bas âge sont les plus nombreux, concentre aussi les ménages franciliens les plus pauvres, et deux fois moins de ménages aisés que le taux régional. Les foyers les plus pauvres sont plus nombreux à se loger dans le privé, dans des habitats souvent dégradés. »

À Grigny (Essonne), Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), Pierrefitte-sur-Seine, La Courneuve, Clichy-sous-Bois, Stains, Aubervilliers et Bobigny (Seine-Saint-Denis), la présence des immigrés ne cesse de progresser. Dans le secteur le plus pauvre, six ménages sur dix nouvellement installés ont une personne de référence née à l’étranger. Dans ces villes, « la concentration d’actifs peu qualifiés, souvent immigrés, plus exposés à la montée du chômage et aux emplois précaires, et l’augmentation des familles monoparentales contribuent à la stigmatisation et à la détérioration des situations financières des résidents »

L’éducation - leurs destinées et leurs avenirs sont déterminés avant même qu’ils ne commencent l’école

« Les jeunes les plus touchés sont ceux qui n’ont pas de diplôme. En France, l’état de pauvreté est principalement lié à l’emploi. Or le taux de chômage des non-diplômés est de 50% chez les 18-24 ans, contre 20% sur l’ensemble de la tranche d’âge. Mais le chômage n’est pas la seule source de pauvreté. La précarité des emplois peut aussi y conduire : le fait d’enchaîner des CDD, des intérims, et d’alterner des périodes de travail et de chômage. On sait à quel point ces situations peuvent être compliquées pour assurer un certain niveau de revenus, mais aussi pour accéder au logement et en particulier en zone urbaine. »

https://www.challenges.fr/economie/social/pauvrete-moins-les-jeunes-sont-diplomesplus- leur-precarite-est-durable_612321

Moi comme les autres gens de la société sont très souvent influencés par votre préjugées, c’est un fait que les gens sont définis par votre première assomption. Je veux montrer un exemple de mon travail en tant que photographe à Paris. Après une session de photographie dans un appartement dans le septième arrondissement, un quartier chic, j’attendais le taxi avec mon assistante de photo. Soudain j’ai vu un groupe de jeunes, en me disant qu’ils n’habitaient là. Et j’ai réagi immédiatement en déplaçant mon équipement. Je suis retournée rapidement à l’entrée de la maison, derrière les portes. Comme j’attendais ils ont été encore plus intéressés par nous et notre valise (même si je savais qu’ils ne savaient pas qu’elle contenait les appareils photo et des vêtements.) Mon assistante était restée devant la porte, dans la rue. Les jeunes se sont approchés d’elle et lui ont demandé si elle avait une cigarette et où j’étais allée, et l’instant suivant, ils l’ont frappée et pris son sac. Personne n’a réagi pas parce qu’il n’y avait personne là, en milieu de journée. C´était incroyable et nous avions peur.

Je me souviens que l’un des jeunes hommes m’a regardée à travers la fenêtre de la porte mais il ne m’a pas vue. Je n’oublierai jamais ses yeux fixes, j’ai eu l’impression qu’il aurait été capable de devenir encore plus agressif. Plus tard cela m’a rappelé l’homme que j’avais vu à côté de Saint-Denis. Un comportement étrange, avec rage et désespoir. Les deux étaient quelque chose que je n’avais jamais vu, pas comme ça. Après ils sont partis et mon assistante m’a dit que c’était bien je sois partie rapidement car ces jeunes étaient drogués et probablement capables de tout. À ce moment-là nous nous sommes senties seules là-bas, autour de nous il y avait beaucoup des grandes maisons dans ce quartier chic. Chaque entrée avait des portes massives, nous avons entendu le bruit de la cité mais en même temps c’était un grand silence là-bas. La raison pour laquelle je raconte cet incident est que j’ai ressenti les différences entre les deux mondes de la société en. Moi, ayant juste fini mon travail de mode, naïvement dans la rue avec beaucoup d’appareils de photo et des robes de haute couture très chères. Et ces jeunes qui n’avaient probablement rien. Nous sommes restées sous le choc tout l’après-midi, et réfléchi aux raisons pour lesquels cet incident avait brusquement interrompu notre journée. Nous nous sommes demandées : pourquoi est-ce comme ça ? Ces jeunes garçons n’auront jamais la possibilité de vivre dans ce quartier à cause de leurs apparences, leurs sociolectes, leurs noms, leurs origines, leurs écoles. Leur chemin pour une bonne vie avec un bon travail est plus compliqué et plus difficile par rapport à celui des jeunes qui vivent là, leur avenir est déjà déterminé par les différences de la société.

Selon le réalisateur Ladj Ly (Les Misérables, 2019) c’est un développement qui est difficile d’arrêter, le début d’un développement très agressif et inévitable. Cette génération manque de respect pour la France, ils ne se soucient de rien. Il dit que les problèmes avec les « Gilets Jaunes » n’est rien comparé à celui des enfants des jeunes générations, et que c’est profondément inquiétant parce qu’ils n’ont rien et c’est une nouvelle façon d’agir. C’est un nouveau développement de violence et l’indifférence pour la société. Comment pouvons-nous résoudre le développement lorsque la société favorise certains des jeunes avant même qu’ils n’aient commencé l’école maternelle obligatoire ?

La société est-elle si malade au point qu’elle soit incapable d’accompagner ces jeunes ? « C’est comme se tenir en permanence sur un pont. Un mauvais pas et on chute », décrit Jassim de « Gosses de France ».

Des enfants pauvres aujourd’hui il y a trois millions d'enfants pauvres en France (un enfant sur cinq). Ces enfants se livrent avec une sincérité désarmante et la tchatche de leur âge. Comment est-ce de grandir dans la pauvreté au quotidien France ?

Gosses de France » est un film sur les enfants pauvres. Dans ce documentaire nous rencontrons Sofia, Benjamin Brocéliande et Jassim avec leurs histoires différentes. Tous vivant dans les régions parisiennes. « À la fin du mois, quand t’ouvres le frigo, y a que de la lumière ! » s’amuse Sofia. À 13 ans, dans son foyer d’ATD Quart Monde, elle semble s’accommoder de tout. Une chose la met en colère : avoir été orientée en classe spécialisée, « alors que je suis comme les autres ! ». Benjamin, 15 ans, constate qu’il n’est jamais invité aux anniversaires « car il faut toujours acheter des cadeaux. Les autres, c’est ce qui leur crée de l’amitié ». « Mes amis, je ne mange jamais avec eux des pizzas parce que ça coûte 5 euros et 5 euros c’est beaucoup.

Du coup, je rentre à la maison et je mange des pâtes, ça coûte moins de 1 euro. L’argent ça sert à créer de l’amitié. » Jassim, 18 ans, se rebaptise Louis pour draguer les filles quand il sort. Pas simple de venir d’une cité, « quand t’as même pas de quoi offrir un kebab à ta copine ».

« Sofia explique qu'à la fin du mois, "dans le frigo, il n'y a que de la lumière". Benjamin se souvient qu'il était invité à des anniversaires, avant, mais qu'à force de répondre qu'il n'était pas disponible, plus personne ne l'a invité. En réalité, il n'avait pas de quoi acheter un cadeau et ne voulait pas y aller les mains vides. Il ne va pas non plus au self du collège à midi avec les copains, parce que c'est moins cher de rentrer à la maison manger des pâtes. »

https://www.madmoizelle.com/gosses-de-france-documentaire-1025667

Leurs parents témoignent aussi. Ce sont d'ailleurs les passages sur les liens entre enfants et parents qui sont les plus bouleversants. La mère de Sofia décrit la culpabilité qui la ronge à la fin du mois (qui commence le 15, souvent). Tous racontent le sentiment de honte vis à vis des autres enfants, parce que les chaussures sont trouées, ou parce qu'il faut aller au Secours Populaire chercher à manger. On mesure les répercussions de la précarité sur l'éducation des enfants, sur leur santé, sur leur estime de soi.

https://www.franceinter.fr/emissions/capture-d-ecrans/capture-d-ecrans-08-octobre- 2019

Les bonnes conditions

« Le samedi midi, je pars directement monter à cheval, je retourne chez moi, je dîne, je sors, je remonte à cheval, je rentre à Paris. Voilà.»

C’est le commentaire de Clothilde, une étudiante au lycée Victor Duruy, qui a la particularité d’être le seul lycée public du très chic quartier du 7ème arrondissement de Paris. Le documentaire « Les bonnes conditions » est un documentaire sur les fils et filles de « bonnes familles » et leurs préparations pour une vie plus ou moins choisie dans le 7éme arrondissement de Paris. Au contraire des jeunes que nous rencontrons dans « Gosses de France » leurs vies consistent à faire les choses correctes, très souvent enseignées par leurs parents. C’est leur monde, le monde dans lequel ils ont grandi. C’est le monde qu’ils connaissent. C’est un monde différent, ils font face à des problèmes aussi mais par rapport à l’autre monde, c’est un monde ouvert avec des choix à faire et de grandes possibilités de devenir ce qu’ils souhaitent. Même si ces adolescents expliquent avec lucidité, et analysent avec un vocabulaire étendu, comment l’essentiel dans la vie est de réussir à vivre dans l’ultime luxe et avec de bons salaires, ils parlent tous aussi de la pression familiale. C'est clair que leur avenir est protégé par leurs parents avec leur aide économique ainsi que le soutien pour faire les bonnes choses. Dans ce quartier chic et calme, leur quotidien est protégé des problèmes sociaux.

Ces adolescents vont avoir leur bac dans de prestigieux lycées parisiens qui ne se contentent pas de les amener au niveau de l'examen mais leur offrent déjà les possibilités prochaines, dans les écoles les plus chics, auxquelles eux-seuls, du coup, auront accès. L’attrait pour un bac d’une école de Bobigny est très mauvais par rapport à un bac d’Henri IV dans le cinquième arrondissement. C’est ne pas juste le bac, c’est aussi le chemin et l’accès à un bon travail ou plus d’études. Donc, on peut dire que les adolescents des écoles de banlieues n’ont aucune chance pour les mêmes droits et avenir. Il s’agit presque de toutes les différences entre pauvres et riches. Les jeunes dans les banlieues de Paris sont exposés à un monde très diffèrent. Pour eux, seuls existent la pauvreté, les stupéfiants et les crimes au quotidien.

On m’a dit qu’une école qui prévoyait de visiter le Louvre avait été refusée parce qu’elle était perçue comme une mauvaise école avec un mauvais comportement. Comment sera notre avenir si nous refusons aux jeunes de visiter les musées nationaux, comment apprendre l’histoire de France en se basant sur la géographie et les préjugés ?

Vivre avec moins de 1026 € par mois

Cet automne, en conduisant à Paris, l’autoroute proche de Saint-Denis j’ai vu un homme qui s’approchait du véhicule. Tandis que j’attendais dans les embouteillages, même si j’étais en train de conduire, il m’a demandé de l’argent et il m’a regardée de manière agressive. J’ai eu peur, donc j’ai fermé la fenêtre rapidement. Mais il a continué de parler et puis il a crié. J’ai pu sentir l’agression juste en regardant ses yeux. Ensuite, après, cela m’a fait réfléchir à la manière dont je regardais les pauvres, sur les stéréotypes. Les différences dans notre société sont énormes, dans les grandes villes comme Paris c’est très visible. En conduisant Paris, j’ai pu constater qu’il y a des signes de pauvreté partout, certainement aussi dans les communes comme Saint-Denis, Bobigny etc. En général on peut dire que la pauvreté stigmatise les gens comme des mauvaises personnes pour la société. Mais quels sont les visages de la pauvreté actuelle vraiment ? Est-ce que ce sont juste les stéréotypes que j’ai vus ?

« Le seuil de pauvreté est défini selon un pourcentage du niveau de vie médian (1). Sont pauvres les personnes qui vivent avec moins de 50 % ou de 60 % de cette médiane.


En 2016, la moitié des Français avait un niveau de vie annuel inférieur à 20 520 €, d’après l’Insee. Être pauvre signifie donc vivre avec moins de 1 026 € par mois et par personne, pour le seuil à 60 %, ou moins de 855 € pour le seuil à 50 %. » « Après avoir connu un recul au début des années 2000, le taux de pauvreté en France repart à la hausse. En 2016, il s’élevait à 14 % pour le seuil à 60 % alors qu’il n’était que de 12,8 % en 2004. Le taux de pauvreté est particulièrement haut chez les jeunes, avec 20 % des moins de 30 ans, chez les femmes et chez les agriculteurs et artisans. Les 20 % des Français les plus riches concentrent plus d’un tiers des revenus. Là où les personnes du premier décile (les plus pauvres) ont un niveau de vie annuel de 11 040 €, celles du neuvième décile (les plus riches) vivent avec 37 570 € par an, soit plus de trois fois plus »


https://www.la-croix.com/Economie/Social/Entre-cinq-huit-millions-Francais-viventseuil- pauvrete-2019-08-15-1201041115



En effet on peut dire que la pauvreté est une réalité composite de notre temps. Parce qu’elle marque notre société divisée, basée sur des faits géographique, l'apparence, sociolectes, et origine. Vous êtes définis par votre lieu d’origine.

Julie-Christine Adélaïde